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La place du sujet et les nouveaux rapports à l’enfant

Couverture du livre « Figures de l’infantile ». Leandro de la Jonquière – L’Harmattan
Une lecture sommaire du livre de Philippe Ariès, L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien régime (première parution en France 1960, au Brésil en 1978), conduit à deux conclusions hâtives. Premièrement, les adultes ont ignoré l’enfance jusqu’à que ce qu’elle soit soudain découverte dans la modernité. Deuxièmement, la thèse posée par Ariès – le sentiment de l’enfance – est perçue comme un indicateur de l’attention ou de l’amour des adultes envers les enfants.
Pourtant, l’auteur a lui-même averti ses lecteurs contre ces conclusions erronées dans un prologue rédigé pour la réédition de son ouvrage en 1973, et au cours d’un entretien accordé au psychanalyste Jean-Baptiste Pontalis en 1979. À chaque fois, en réponse à certaines des objections faites par d’autres historiens sur le fait qu’il est impossible de dater de façon claire et précise l’émergence du sentiment d’enfance, Ariès a expliqué qu’il s’agit d’un phénomène graduel. Ceci étant, il a persisté à dire que ce sentiment est propre aux temps modernes, et a relativisé ainsi les objections allant dans le sens contraire et basées sur des faits historiques isolés qu’il aurait soi-disant ignorés. Bien qu’il ne l’ait pas affirmé en ces termes, il a rappelé à ses critiques qu’un verre d’eau à moitié plein est tout autant à moitié vide. Enfin, à ceux qui on pris le sentiment de l’enfance pour un indicateur de l’amour adulte, il a rétorqué que là n’avait jamais été son idée, et qu’en outre, si d’aucuns avaient interprété son ouvrage en ce sens, c’est qu’ils n’avaient rien compris.
Quel est l’intérêt de revenir ici sur l’œuvre d’Ariès ? Il se trouve qu’elle constitue encore à mon avis la clé pour comprendre le débat actuel sur l’enfance et ses destins ou encore, sur les nouvelles formes de l’enfance. Personnellement, il me semble qu’Ariès a non seulement vu juste en son temps, mais qu’il a aussi été visionnaire dans ses observations, ce que je peux à présent constater grâce à son génie.
Ce qu’Ariès a décrit comme le sentiment de l’enfance est effectivement inhérent aux temps modernes, et se dessine nettement depuis deux siècles et demi. Cet élément est important parce que cela montre la différence existante entre les temps historiques. Mais ce sentiment ne dit rien sur l’amour ou l’affection des adultes envers les enfants, il est donc inutile de rétorquer, comme l’ont fait certains critiques, que tel ou tel individu a pu souffrir du décès d’un enfant au Moyen Âge. Pourquoi ? Tout simplement parce que, bien que ces choses ne soient pas totalement indépendantes de nos jours, il ne faut pas confondre le sentiment de l’enfance avec l’amour ou l’affection des adultes envers les enfants. Ce que le pionnier Ariès a signalé, ouvrant ainsi la voie à une histoire des mentalités – et suivant peut-être sans le savoir certaines traces freudiennes, qui sait ? –, c’est que notre vie quotidienne et ses petits détails sont en constante évolution et suscitent de sentiments nouveaux, comme justement celui – objet de ses préoccupations en tant que historien – qui touche à l’enfance. L’idée avancée est simplement que nos ancêtres ont commencé à se préoccuper des enfants et de leur futur comme jamais auparavant. L’exclusion des enfants du monde adulte auquel ils avaient jusqu’alors pris part, et dans laquelle leur scolarisation et l’impérialisme pédagogique ont joué un rôle clé, ainsi que le souci de leur survie sont les preuves de cette préoccupation généralisée envers les enfants. De plus, d’après la réponse d’Ariès à Pontalis, contestant la critique de certains marxistes, il n’y aurait pas de clé pour expliquer de tels changements psychologiques généralement laissés de côté par les historiens.
Dans Figures de l’infantile (2009), je pense être parvenu à présenter une synthèse de ce que la lecture du livre d’Ariès m’aura permis d’élaborer ces dernières années.
J’avoue avoir du abandonner – non sans efforts – l’idée d’une clé explicative unique à ces changements historiques, ce qui n’est pas chose facile, étant donné la volonté téléologique générale de chercher la cause finale. D’ailleurs, le champ de la psychanalyse n’y a pas échappé non plus – et n’y échappe toujours pas –, comme en témoigne la persistance de l’idée de déclin du père dans la famille, élevée au rang de grille de lecture de la marche ascendante ou descendante de l’humanité 1. Il n’y a pas de clé, puisqu’il n’y a pas de telos quelconque à expliquer. En outre, s’il n’y a pas de telos, il n’y a pas de déviation : il y a des différences qui font dates, qui dont l’histoire. Ce point mérite d’être souligné parce que l’on entend souvent dire négligemment que nous aimons nos enfants aujourd’hui plus qu’auparavant, par exemple, que nous sommes plus heureux ou, au contraire, moins heureux que jadis, que nous « faisons famille » plus ou moins qu’avant, ou simplement que nous sommes aujourd’hui plus humains ou, au contraire, plus inhumains qu’autrefois. En effet, il peut paraître difficile de s’arrêter pour penser sans savoir avec certitude d’où nous venons et où nous allons ; en d’autres termes, il est difficile de raisonner compte tenu de l’incommensurabilité entre les temps qui soustrait l’histoire à toute morale. Du coup, le sentiment de l’enfance qui a tardé à s’imposer autant que la modernité elle-même, pourrait bien s’évaporer dans l’air, comme l’avait d’ailleurs déjà suggéré Ariès dans son entretien avec Pontalis il y a quarante ans, pour céder le pas à quelque chose d’autre et dont nous ne saurions préjuger s’il sera plus humain ou moins humain que le précédent.
Il me faut évidemment reconnaître à ce stade que je ne suis pas sûr qu’Ariès aurait admis toutes les conclusions que je tire de son travail. Personnellement, je ne peux le suivre lorsqu’il parle de découverte de l’enfance par les modernes, ou lorsqu’il affirme que l’ancienne société traditionnelle représentait mal l’enfant. Il me semble que l’auteur ne pousse pas son raisonnement jusqu’au bout. Ariès continue de penser à l’existence d’un enfant et d’une enfance en dehors du temps, et qui, méconnus ou mal représentés à une certaine époque, seraient dûment pris en compte plus tard. Seulement, il ne faut pas confondre les enfants de chair et d’os avec le sentiment de l’enfance. Les premiers ont toujours existé, de même qu’ils existeront toujours pour autant que nous continuions à procréer, quelles que soient les méthodes. En revanche, le sentiment de l’enfance identifié par Ariès est historique et, en ce sens, qualifié de moderne, d’où sa dimension transitoire. De plus, le sentiment de l’enfance ne correspond ni plus ni moins aux enfants d’hier, d’aujourd’hui ou de demain. De fait, il n’y a pas connaturalité entre le premier et les seconds. D’ailleurs, c’est là la thèse centrale de mon ouvrage qui cherche à démystifier l’idée selon laquelle les enfants d’aujourd’hui sont sur le point de perdre l’enfance à laquelle ils auraient naturellement droit comme le signale, entre autres, Neil Postman (1982). En somme, il y a toujours des enfants de chair et d’os au cours de l’histoire et envers lesquels les adultes nourrissent les sentiments les plus divers. Ceci dit, nous ne devons pas nous hâter de conclure que toutes les formes historiques d’accueil des nouveau-nés se valent et, par conséquent, qu’elles reviennent au même pour ces petits êtres.
En ce sens, pour sortir du bourbier qui revient à affirmer simultanément l’incommensurabilité des temps historiques et l’absence de connaturalité entre enfants et sentiments adultes, j’ai proposé au lecteur, dans la lignée de ce que j’ai appris en/de la psychanalyse, l’idée selon laquelle le monde produit ou fabrique une enfance triphasée, une enfance qui se décline en trois dimensions.
La matière première pour la production de l’enfance est l’infans : créature sapiens dénuée de parole, tant indéterminée sur le plan humain qu’incapable d’être animal. Finalement, infans est le nom d’une indétermination biologique muette lancée dans le champ de la parole et du langage.
Le fait que nous n’ayons pas toujours été sujets parlants, d’avoir traversé la condition d’infans, fait de l’enfance une expérience singulière, propre à la créature sapiens et qui est étrangère aux machines et aux animaux. La créature sapiens est lancée dans le langage, mais elle doit quand même être capturée par ce dernier, elle doit être assujettie. Cependant, la capture n’est pas totale, et ce, dans deux sens. D’une part, le langage est capable d’équiper les circuits neuronaux mais il ne transmue pas la nature organique de la cellule dans la « matérialité subtile » du langage – comme le dit Lacan – ; d’autre part, une différence apparaît au sein même du langage, sous la forme de chiasme, entre langue et parole.
Le monde adulte produit une enfance triphasée sur l’indétermination infans : 1) l’enfance comme temps d’attente, symbole de ladite minorité de l’enfant pour ce qui est des rapports sexuels, des mondes du travail et de la politique ; 2) l’enfance comme réalité psychique, résultat de la conquête d’un lieu de parole dans une histoire en cours, et que tout enfant doit convoiter s’il ne veut pas rester abandonné au bord du chemin ; 3) le réel de l’enfance ou supplément infantile qui scinde la réalité psychique produite, ouvre l’ensemble d’opérations à la surdétermination. Ce résidu infantile ne cesse de ne pas s’écrire et relance donc sur lui-même le processus instituant d’une enfance singulière au fil du temps.
Ainsi, l’enfance n’est ni une substance psychique pré-linguistique ni une réalité anhistorique. Elle est – pour reprendre la thèse de Giorgio Agamben (1978) – l’expérience même de la transcendance du langage que connaît quiconque habite la parole.
Aucun enfant ne peut avoir d’enfance prétendument en harmonie avec sa nature infantile comme on le prétend à la légère. Paradoxalement, on peut simplement « avoir » une enfance en tant que perdue, après coup, une fois écoulé le temps de l’enfance institué par le monde adulte. L’enfance, en ce sens, résulte de l’expropriation opérée par le langage à travers la production sur la créature sapiens d’un sujet en tant que réalité asymptotique ou résultat d’un calcul différentiel dans le discours.
L’enfance fait l’objet d’inflexions tant multiples qu’historiques. Le fait que nous traitions toutes les enfances produites comme L’Enfance au singulier démontre le caractère aussi bien universel que naturel dont nous rêvons aujourd’hui pour l’enfance. C’est peut-être pour cela que toute différence historique est perçue soit comme une invention de L’Enfance, soit comme un indicateur de sa disparition. Ainsi, il y a eu, il y a et il aura toujours des enfances tant que les adultes continueront à procréer, même s’il ne s’agira pas nécessairement de cette enfance-là, c’est-à-dire du résultat du sentiment adulte identifié par Ariès dans la modernité. Nos précurseurs modernes n’ont rien découvert d’essentiel sur les enfants que leurs prédécesseurs n’aient déjà su, ils ont simplement peu à peu inventé, et dans les petits détails de la vie quotidienne, ce qui n’existait pas auparavant et qui donne peut-être aujourd’hui des preuves de son épuisement : une manière singulière de s’occuper et de se préoccuper des enfants.
En ce sens, aucun enfant ne court le risque de se voir privé d’enfance, au sens où elle est pensée comme un âge de la vie inhérent au développement naturel de ses capacités, celles- ci également – cela va de soi – naturelles. Cependant, ce n’est pas parce que les adultes ne sont pas sujets aujourd’hui au péché antinaturel pour ce qui est de l’éducation des enfants que nous pouvons dormir tranquilles puisque, comme je l’affirme depuis un certain temps, les adultes peuvent très bien rendre difficile l’accomplissement de l’éducation d’un enfant.
Tout enfant doit conquérir son propre lieu de parole dans une histoire en cours. Un tel exploit n’est pas acquis d’avance ; l’enfant doit précisément chercher ce lieu pour lui-même, en dépit des rêves adultes qui le veulent dans un autre endroit. Pour qu’une telle chose soit possible, l’enfant doit se lancer dans l’aventure. Peut-être qu’il le fera, peut-être pas. Rappelons que Freud qualifiait tout choix d’inconscient. Par ailleurs, il incombe aux adultes d’être pris dans des rêves qui doivent à la fois réserver un lieu à l’enfant et leur permettre d’accepter que ce dernier puisse se déplacer, c’est-à-dire qu’il puisse parler depuis un autre lieu qui n’existe pas dans le scénario rêvé. En ce sens, plutôt que de nous plaindre de la disparition d’une forme naturelle d’enfance, ou de célébrer au contraire une quelconque nouveauté historique comme un signe de libération des enfants opprimés qui peuvent enfin vivre « leur » monde ou « leur » culture infantile, nous devrions nous interroger sur la place que le monde adulte réserve aujourd’hui dans ses rêves à ces petits êtres que nous appelons enfants. C’est précisément en cela que réside l’utilité épistémologique de l’appareil théorique que j’ai proposé il y a quelque temps pour penser les vicissitudes de la transformation du sentiment moderne de l’enfance et les destins susceptibles d’être révélés pour les enfants.
J’ai suggéré dans Figures de l’infantile (2009) que la façon dont les adultes s’adressent aux enfants se décline sous trois formes : l’étranger, le sauvage et l’extraterrestre. Dans le contexte de l’appareil conceptuel proposé à l’époque, j’ai affirmé que l’étranger est la seule figure de l’infantile qui ouvre la porte à un destin qui ne soit pas funeste pour tout enfant arrivant dans le monde des adultes. Par contre, les deux autres seraient des indicateurs que quelque chose ne va pas dans l’enfance triphasée. Ni le sauvage, ni l’extraterrestre ne sont des figures qui siéent à l’enfant. Non pas parce qu’ils dénotent une contre-nature infantile, mais simplement parce qu’ils sont le produit d’un fonctionnement non métaphorique de l’enfance, et parce qu’ils sont par conséquent incapables de symboliser la différence – le réel infantile – en cause dans l’enfance. En d’autres termes, si les deux figures sont attachées à l’enfant, elles laisseront difficilement à ce dernier la possibilité d’accomplir sa tâche, à savoir de conquérir pour lui-même un lieu de parole dans le rêve des autres.
Voilà déjà quelque temps que nous soupçonnons que l’économie du sentiment moderne de l’enfance définie par Philippe Ariès fait l’objet de fortes transformations. D’ailleurs, il a lui-même reconnu dans son entretien accordé à Pontalis que l’enfant-martyr ou victime était en passe de remplacer l’enfant-roi qui avait cours au XIXe siècle et jusqu’au XXe siècle. D’autres personnes, comme Laurence Gavarini et Françoise Petitot (1998), ont par la suite fait le même constat.
Comment pourrions-nous penser une telle substitution ? Cela ne signifie pas qu’il faille en déterminer la cause mais simplement mobiliser les forces qui seraient en jeu au cours de l’histoire.
L’enfant-roi a été fabriqué par l’occupation et la préoccupation singulière que les adultes ont commencé à nourrir envers les enfants dans les temps modernes. La vie avec les enfants a évolué. Ils ont progressivement été retirés de la rue, ainsi que des maisons et des ateliers de tiers où ils apprenaient des choses sur le monde adulte, pour être placés à l’école et dans des internats, et s’apprêter un jour à entrer une fois pour toutes dans le monde des grands. Ils ont commencé à occuper une place centrale dans la famille qui s’est peu à peu fermée au regard extérieur. Mais ces changements qui touchaient de plein fouet la famille et ses enfants ont eu lieu en même temps que d’autres. Par exemple, la différence entre le public et le privé, entre la sociabilité et l’intimité est allée grandissant. Dans ce processus, la religion a graduellement cessé de fournir les fondements de la vie publique, de la politique et de la science pour n’apporter du réconfort qu’à l’âme de certains, contrairement à ceux qui ont cessé de croire tout simplement à l’au-delà du monde des humains. Au fond, le monde, dont l’humanisme de la renaissance a commencé à élargir les frontières, a fini par renverser un univers ouvert par définition et, qui plus est, déterminé par les rêves d’un temps futur qui ne se limiterait plus à la réitération du passé.
Les esprits se sont révolutionnés au tournant des XVIIIe et XIXe siècles. Ils ont fait leur le rêve de Rousseau et ont ainsi donné une nouvelle impulsion au siècle éteint des Lumières : les privilèges d’antan n’étant plus justifiés, la liberté de l’homme consistait à s’autoriser de sa propre initiative à contracter, avec d’autres, des formes de vie sociale. Ainsi, un nouvel humanisme a émergé. Une différence est apparue entre celui de la renaissance et celui des révolutionnaires, Le premier était statique, fixé dans les limites essentielles d’une nature humaine écrite quelque part, le second, moderne, impliquait au contraire la liberté de l’homme à s’arracher d’une nature toujours supposée.
Comme je l’ai affirmé dans Figures de l’infantile (2009), les enfants sont ainsi devenus dépositaires de la différence que les modernes ont peu à peu projetée, laissant ainsi entrevoir en ligne de fuite la possibilité d’un temps futur. S’occuper et se préoccuper des enfants, c’était créer une différence au cœur des temps et l’enfant est alors devenu le roi dans un temps où les monarques avaient cessé de régner.
Ceci étant, l’enfant-victime est celui dont le règne n’a plus cours. Alors que l’enfant- roi était le double des adultes préoccupés et occupés, cet autre est le double d’un monde adulte qui ne s’intéresse plus à eux. Le désintérêt, l’ennui et l’hostilité des adultes envers l’enfant reviennent comme tout refoulé pour donner ainsi corps à un enfant toujours victime des adultes. L’enfant victime est l’envers de la majesté du précédent. Celui qui était fond est devenu figure, ce qui montre que la corrélation des forces du monde, qui a autrefois fabriqué la majesté de l’enfant, a changé.
Mais – prenons garde ! – l’enfant victime est quelquefois l’arbre qui cache la forêt. Nous le rêvons pour ainsi réconforter nos consciences, c’est-à-dire pour ne pas avoir à affronter cette figure de l’infantile qui émerge du tréfonds des rêves actuels qu’est l’extraterrestre. Ce dernier est la matrice de la première – son masque.
Pour les enfants d’aujourd’hui, ce n’est pas de bon augure. Cependant, comme le temps ne fait pas marche arrière, nous ne pouvons que libérer les forces du futur ici sur terre et pour cela, nous devons interroger cette tentative des adultes de rêver les enfants comme s’ils venaient d’une autre planète dont nous ne savons rien, même si nous pouvons tout supposer scientifiquement. Rien de l’enfance n’est susceptible de revenir si nous insistons à rencontrer des êtres d’une autre planète.

Léandro de Lajonquière
Psychanalyste, membre d’Analyse Freudienne (Paris)

Professeur des universités, université de São Paulo (Brésil), université de Caen Basse-Normandie (France)

1 Question développée dans Figures de l’infantile (2013) et reprise notamment dans DE LAJONQUIERE L. et PEREIRA, M. (2014) « Le roman familial contemporaine et l’enfant symptôme ». Le Télémaque, 46, pp. 41–58.

AGAMBEN, G. (1978). Enfance et histoire – destruction de l’expérience et origine de l’histoire. Paris : Payot.
ARIES, Ph. (1973 [1960]). L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime. Paris : Seuil. ARIES, Ph. (1979). L’enfant (Entretien). In Jean-Baptiste Pontalis. L’enfant, Paris : Gallimard.
DE LAJONQUIERE, L. (2013 [2009]). Figures de l’infantile, Paris : L’Harmattan.
DE LAJONQUIERE L. et PEREIRA, M. (2014) « Le roman familial contemporaine et l’enfant symptôme ». Le Télémaque, 46, pp. 41–58.
GAVARINI, L. et PETITOT, F. (1998). La fabrique de l’enfant maltraité. Ramonville : Érès. POSTMAN, N. (1983). Il n’y a plus d’enfance. Paris : INSEP.


Figures de l’infantile
La psychanalyse dans la vie quotidienne auprès des enfants
La psychanalyse permet d’interroger le statut de la parole adressée aux enfants et ainsi d’élucider les conditions de l’éducation, soit familiale, soit scolaire. C’est à partir de cette thèse – développée sans recours au langage obscur trop répandu dans le champ – que le débat actuel autour de la disparition de l’enfance moderne, auquel participent cliniciens, pédagogues, historiens et sociologues, est revisité par Leandro de Lajonquière. A contrecourant de l’idée dominante, l’auteur souligne l’absence de connaturalité entre ce que l’on entend par enfance et par enfants. Ce débat masquerait le fait qu’aucun enfant ne possède d’enfance. Paradoxalement on ne peut « avoir » d’enfance qu’en tant que perdue, dans l’après-coup de l’épuisement du temps de l’enfance. L’enfance serait alors un des noms de notre inquiétante étrangeté. La modernité a inventé une manière d’adresser la parole aux enfants, de les éduquer. Celle-ci intègre un dispositif symbolique capable de traduire en métaphore le reste du manque de rapport inévitable entre un adulte et un enfant. La métaphore n’est jamais totale et inclut toujours un résidu – l’infantile – qui fait de l’adulte un simple vieux. Les effets quotidiens de ce qu’on croit être la disparition de l’enfance seraient alors le résultat d’un dérèglement symbolique de la façon actuelle d’éduquer. Ce rabaissement généralisé de la vie auprès des enfants exprimerait le refus adulte de l’infantile et de la dette symbo- lique envers l’esprit des temps modernes.
Portrait de Leandro DE LAJONQUIERE
Leandro DE LAJONQUIERE est professeur des universités, membre fondateur du laboratoire LEPSI de l’Université de São Paulo (Brésil), membre du CERSE EA 965 de l’Université de Caen Basse-Normandie ainsi que professeur invité dans différentes universités argentines. Psychanalyste, il est membre d’Analyse Freudienne – Paris.