« L’Ecoute » au coeur du jardin des Halles,
sur la place René-Cassin, Paris 3°
statue signée Henri de Miller 1986.
dans l’a-psychiatrie du monde contemporain
«Cette nuit j’ai fait un rêve. Je réglais mon compte, avec ce que j’ai pu vivre comme beaucoup d’autres, en psychiatrie, ces deux dernières années où je n’ai pas pu travailler à partir de l’écoute de la parole des sujets, basée sur la dimension psychanalytique, et de quelques maîtres de la psychiatrie institutionnelle , tels Jean Oury, François Tosquelles, et des secteurs : Georges Daumezon, Hélène Chaigneau, etc.. C’était impossible. Donc J’ai terminé ma carrière en travaillant moins bien que quand je commençais comme interne. Ces deux ans assez pénibles m’ont déprimée, je dois le reconnaître, c’est pourquoi cette nuit je réglais mon compte à cette histoire , et ça fait du bien de régler son compte par la parole ; en rêve ce n’était pas un cauchemar, c’est au réveil que le cauchemar est arrivé, quand je suis retombée sur le sol de la réalité actuelle de la psychiatrie. »
Ainsi commence l’exposé présenté le 13 mars, par Françoise Fabre, psychiatre, psychanalyste, sur le thème : “Pour une politique du sujet ? dans le cadre de ce congrès franco-brésilien.”(1)
Bref rappel sur la psychiatrie :
F. Fabre nous dit qu’elle a trouvé une vidéo de Jean Oury, reçu à l’Assemblée Nationale dans le cadre d’une commission, très peu de temps avant sa mort, le 15 mai 2014, Il avait 80 ans. En l’écoutant, elle a été prise d’une grande compassion, d’une grande tristesse pour ce Monsieur qui toute sa vie, a soutenu dans la psychiatrie le champ de la parole. Au terme de sa vie, il s’est retrouvé devant des députés, à expliquer en quoi avait consisté son travail, et ce vers quoi cela le menait, il était alors animé d’une belle colère.
Notamment, il fait remonter la destruction, la disparition de la psychiatrie telle qu’on a pu l’entendre depuis l’après guerre jusqu’à une quinzaine d’années, soit 40 ans déjà, ce qui correspondre à la prise par l’état, de la gestion de la psychiatrie. L’état a donc mis en place, des directeurs d’hôpitaux qui ont remplacé les médecins directeurs. Ce qui en soi n’a pas été une mauvaise chose, parce qu’un autre discours fut introduit sur les contingences réelles et matérielles avec lesquelles, les chefs de services avaient dorénavant à compter et à négocier, plutôt qu’a être tout puissants dans leur fief, dans une psychiatrie qui pendant très longtemps a quand même été très enfermée sur elle-même. Puis, les chefs de service ont disparu pour devenir des chefs de Pôle. Les pouvoirs des directeurs soumis à l’ARS (Agence Régionale de Santé créée en avril 2010 ) ont été augmentés. Cependant, Il faut savoir qu’un directeur peut être suspendu du jour au lendemain par l’ARS, parce qu’il ne correspondrait pas aux critères demandés. Les chefs de Pôle n’ont plus voix au chapitre et sont devenus, avec ce nouveau statut des courroies de transmission du Directeur de l’hôpital. Le rôle des ARS est de « moderniser » et « rationaliser » l’offre de soins, et de veiller à la « bonne » gestion des dépenses hospitalières médicales. Cette instance d’état, censée régir la santé de la région, a en fait, d’énormes pouvoirs, il est d’ailleurs prévu qu’elle va avoir aussi un pouvoir sur la médecine libérale. Un appel à la manifestation historique des professions de santé est lancé ce dimanche 15 mars, contre le projet de loi santé de Marisol Touraine, près de 15 000 manifestants sont attendus sur le pavé parisien. (2 – Youtube)
Donc, depuis une quarantaine d’années se met en place de manière insidieuse, avec la complicité des psychiatres que Jean Oury dénonce grandement, un système managérial et gestionnaire qui ne permet plus la moindre créativité, le moindre souci d’écouter une parole puisque de fait, tout est soumis à l’évaluation, au protocole. Par exemple, lors d’un problème avec un patient, l’infirmier ne sait pas ce qu’a dit le patient, sa parole n’a plus d’importance, car ce qui intéresse le responsable c’est de savoir si la procédure valable pour tous, a été respectée. Françoise Fabre, psychiatre, raconte son refus de signer un protocole de soin, soit cocher les cases : – peut téléphoner, – peut sortir dans le parc etc..) puisqu’il était en service libre, c’est-à-dire libre de circuler, de vivre sa vie quotidienne dans l’hôpital, de garder ses droits de citoyen. Éberluée elle ne remplira pas ce formulaire, qu’elle considère bien comme des conditions de détention appelées protocole de soin. Si l’état d’un patient en service libre, lui semblait tel qu’il fallait qu’il soit « mis au calme sans contact avec l’extérieur, le soir par exemple, elle n’aurait bien sûr, pas hésité à le noter comme il se doit. Il y a dix ans, le protocole de soin devait être proposé obligatoirement par les infirmiers au psychiatre, celui-ci n’était pas dans l’obligation de le remplir. Après renseignements pris auprès de ses collègues pour savoir comme ils procédaient pour faire face à un tel contrôle procédurier, elle appris que sur 80 médecins de l’hôpital, seuls deux osaient se déclarer contre cette discipline protocolaire de détention. Les choses se sont bien aggraver depuis nous précisera-t-elle.
Dans son exposé à l’Assemblée Nationale, ce courageux Jean Oury, a dénoncé un processus qui est en marche depuis quarante ans avec la complicité de la plupart des psychiatres. Souvenez vous de l’appel des 39, fondé le lendemain de l’intervention de Sarkozy, qu’on appelle le discours de Grenoble, suite à un patient qui avait tué quelqu’un. Sarkozy s’est servi de ce fait pour augmenter la pression sur la psychiatrie, dans les mesures de contention etc.. c’est-à-dire privation de liberté quasiment pour tous, au nom d’un seul fait.
Jean Oury : « Sarkozy n’est qu’ une puce.. et une puce ça saute, ça vous pique, ça réveille et quand ça réveille ça fait l’appel des 39 par exemple…et quelques émois quand même dans le monde de la psychiatrie et des familles de patients; ça réveille mais ça peut vous donner la peste, ce qu’il l’appelle ce dans quoi nous sommes : la peste managériale. »
Je fais partie des psychiatres, dira-t-elle, qui sont psychanalystes, formés à ce biberon là, psychiatrie institutionnelle, secteurs. Mais ça n’a pas regroupé l’ensemble des psychiatres français ! C’était une idéologie qui primait, puisque c’était une valeur de la Société pendant vingt cinq ans, qui n’était pas partagée par tous, loin de là. La majorité des psychiatres travaillaient dans les hôpitaux sans prendre d’initiatives.. Dans les années 1982, à Évreux, la plupart des services avaient un CMP, où les patients passaient vingt cinq ans à l’asile, pour la plupart. Nous étions seulement à cent kilomètres de Paris ! Le constat à faire, c’est que là où le secteur s’était mis en place, avec les ouvertures des hôpitaux sur la cité, des gens étaient plus près de leur lieu de vie, avec un maillage de soins adaptés au un par un, à chacun. Libres mais protégés, les patients pouvaient circuler de l’un à l’autre, de l’autre à l’un. Dans cette circulation même, avec des interlocuteurs différents et des places différentes qu’ils pouvaient occuper, ce dispositif favorisait une production du sujet. Il se passait des choses qui nous échappaient, l’essentiel était qu’il s’y fasse du lien, sans que quelqu’un vienne de manière paranoïaque contrôler tout ce qu’ils faisaient, et ce qui se passait, car là est déjà le soin. Mais le secteur ne s’est pas si bien mis en place que cela. A cette époque, il y a eu une circulaire qui décrétait que l’on fermerait tant de lits d’hôpitaux, pour mettre en place ce qui était censé être le secteur. Les chefs de service, qui n’avaient aucune pratique du secteur digne de ce nom, se sont mis à faire sortir les patients hospitalisés depuis vingt ans, en un mois. Et que sont devenus ces patients ? Eh bien ils mourraient ! Ils ne se suicidaient pas ils mouraient.. C’est-à-dire que l’équipement subjectif de beaucoup de psychotiques ne leur permet pas d’être dans ce monde phallicisé, à y trouver une place sans un étayage, sans un accompagnement, sans mettre en acte quelque chose de spécifique qui n’est pas ségrégatif ! L’égalité ce n’est pas de traiter tout le monde de la même manière, c’est plutôt de les traiter de la manière dont ils ont besoin. F. Fabre rappelle son expérience en secteur véritable, bien avant la parution de la circulaire, où ont été créées de bonnes conditions pour que la sortie du patient psychotique puisse se faire au mieux, cela lui a demandé un an de travail attentif, relationnel, soigné. « Ce patient est sorti, et ça tient bien comme cela.. dans des conditions humaines convenables. » poursuivra-t-elle.
« La valeur d’une Société se mesure à la manière dont elle traite les plus démunis »..
Puis cette autre phrase suivie de celle de Tosquelles : « Sans la reconnaissance de la valeur humaine de la folie, c’est l’homme qui disparaît ». C’était vrai en psychiatrie. Ne pouvons-nous pas, malheureusement, l’étendre à tout ce qui se passe dans nos sociétés actuellement ?
Bien sûr, en psychiatrie d’abord.
Encore une définition de Roger Gentis : « La psychiatrie c’est la gestion sociale de la folie ».En effet, le psychiatre étant pris dans son rôle social édicté par la société dans laquelle il exerce, et la notion du soin qui lui est propre, peut se trouver en contradiction, en opposition avec le mandat pour lequel il est là. Nous avons tous à faire à cette forme de division, à la fois répondre aux exigences sociales qui nous sont demandées et la singularité du soin. Dans les années florissantes, les forces étaient à peu prés jouables. Jean Oury, de La Borde, dans son abord de son travail psychiatrique disait : « Que toute place sociale, tout discours, tout ce que l’on fait est pris dans des aliénations ». Il ne parlait pas de l’aliénation subjective propre à chacun, il parlait de l’aliénation sociale. La psychiatrie est prise dans un type de discours qui oriente sa manière de travailler et qui l’oriente d’autant plus qu’il n’en a pas conscience. Jean Oury, consacrera aussi une partie de son travail pour tenter de décrypter les forces sociales et politiques, et comment de fait, il allait pouvoir insérer son propre mouvement. C’est ainsi que certains gauchistes et intellectuels de l’époque, des gens comme Deleuze, Guattari se retrouvaient à La Borde.
Si actuellement nous ne pouvons pas faire non plus l’économie de ce point là, dans quel discours, la psychiatrie est-elle prise ? Et non seulement la psychiatrie, mais tout ce qui se passe dans le champ des articulations sociales.
Alors, malheureusement nous ne pouvons que nous dire que c’est le discours du capitaliste, magistralement présenté par Radjou Soundaramourty(3) lors d’un séminaire dernier, que nous sommes bel et bien pris dans le discours capitaliste qui entraîne absolument, quasiment tous les autres discours. Référons-nous aux mathèmes présentés par Lacan en 1971, 72, pour illustrer mathématiquement ce discours capitaliste, après les quatre discours qui mettent en forme ce qui fait lien social, c’est-à-dire, en faisant un quart de tour des lettres de chacun des discours, cela change la place du sujet, c’est ce qui permet le lien social. Il faut se rappeler pourtant, que déjà celui-ci se délitait en 1969, après la production par Jacques Lacan de ces discours, à savoir : celui du maître, de l’hystérique, de l’universitaire et de l’analyste. Peu après, il proposait le cinquième discours, capitaliste, qui n’a aucun lien avec les autres, c’est-à-dire qu’il ne fait pas lien social.(4)
Cette démonstration lacanienne m’est devenue lumineuse par les temps qui courent.. Le Sujet qui est mis en place d’agent, est devenu l’individu, auto-fondé, sans référence autre que son propre mouvement, lié à la libre entreprise ; seule est prise en compte l’évaluation de l’individu au un par un où il n’est plus question d’équipe qui aurait un projet commun, Seule la performance dépendante des normes imposées compte. Cela procède d’un refus, d’un déni de la castration qui entraîne une perversion généralisée comme l’écrivent certains collègues psychanalystes qui d’ailleurs, en font leurs choux gras, sur cette perversion généralisée, commentée sous l’angle plutôt sociologique que véritablement psychanalytique.
Sur le site de Patrick Valas,(5) nous trouvons une déclinaison de cette perversion généralisée. Qu’est-ce-que va entraîner ce défaut de castration ? Bien entendu, un défaut d’un lien symbolique qui disparaît, au profit de l’imaginaire va prendre le pas sur le symbolique. Une forme de perversion masochiste apparaîtra, qui se manifestera chez l’homme par le culte de la performance, avec un désir de faire toujours plus, sous l’injonction d’un surmoi féroce, et non pas tempéré, pour aller vers une jouissance terrible qui peut devenir mortelle. C’est ce qui se passe dans les entreprises dans lesquelles les salariés tombent malades, se suicident sur leur lieu de travail, tout cela par suture du sujet, il n’y a plus de place pour le fantasme, l’énonciation, la parole.. Il y a des mots codes, on doit répondre ainsi, pas avec des phrases dans lesquelles apparaîtrait une énonciation, non c’est impossible car le langage est codé, formaté, la novlangue est en route. On doit parler ainsi, dans un dialecte mystérieux qui répond aux fonctions de la langue de bois en entreprise et ailleurs.
Comme le dit, Patrick Valas, avec qui Françoise Fabre est tout à fait d’accord, pour les femmes qui ont moins accès à la perversion que les hommes, elles dépriment. Par conséquent chacun d’entre nous voit arriver dans son cabinet de psychanalyste en libéral, des gens qui sont faussement dans le burn out ! Même si la souffrance vient en résonance avec des points d’histoire, de difficultés, c’est quand même assez généralisé. On voit bien comment on arrive à mener un individu à un point tel que le fantasme est effracté, atteint du coup sa capacité élaborative, ça revient dans le corps ou sous la forme de dépression.
Ce surmoi est incarné par le « tout savoir » gestionnaire, qui fait que nous avons tous un contrat. En psychiatrie par exemple, certains collègues faisaient signer un contrat de soins aux patients comme : « je m’engage à venir tel jour, telle heure, à bien prendre mes médicaments, à ne pas taper sur le soignant.. alors si le malheureux patient ne venait pas, il n’avait pas respecter le contrat. Donc ça ne se jouait pas dans le transfert d’une relation d’un humain à un autre humain, comme nous pouvons travailler ce rapport transférentiel à l’autre dans notre pratique psychanalytique. Non, ici il s’agit de ne pas respecter le contrat, donc vous sortez… même si vous n’êtes pas du tout en état de sortir. Patrick Valas rajoute : « nous avons tous un contrat sur la tête avec un tueur à gage qui nous attend ». Les hommes politiques nous le prouve bien, « on dit, : c’est un vrai tueur. »
Le discours universitaire quand à lui, se délite, il brade son savoir à l’office du marché, sous forme d’unités de valeurs. Il existe des contrats d’Universités privés dont on ne peut que penser et se rendre compte que ce savoir qui est transmis en est influencé. L’étudiant est libre de transmettre le savoir pour lequel il a été formé, mais il faudra qu’il prenne en compte les diktats du privé.
Quand au savoir scientifique, Lacan le rapproche du discours hystérique et va même jusqu’à dire que le discours hystérique pourrait venir à disparaître, au profit du discours scientifique. Celui-ci prend toute par sa place, son essor et sa suprématie par l’envolée des différentes techniques qui en découlent comme la vulgarisation des ordinateurs à tous les secteurs de la vie.
Pour ce qui en est du discours du Maître, il est perverti par la copulation avec le discours scientifique qui se traduit par la montée des experts. Dans la justice on voit bien apparaître les experts psychiatres etc. qui n’ont pas valeur d’expertise d’ailleurs, ils donnent leur avis, c’est un avis, et bien ça devient un diktat, l’expert a dit.. Au nom de cette pseudo-science, un savoir qui se veut totalisant et totalitaire.
Jean Oury, termine son entretien avec les députés, sur l’avenir de la psychiatrie, dont il dit : « que c’est une catastrophe, avec une mainmise de l’administration de manière managériale et il fait crédit à ceux qui ont mis en place ce système là, d’une naïveté dont il précise que les naïfs sont les gens les plus dangereux. Il parle : « de raisonnement fasciste, appuyé sur des fiches techniques qui ne tiennent pas compte de la parole, pour traiter tout le monde pareil ». Cela va avec le discours de la science qui se veut un discours universel et pas du un par un, en effet, il faut supprimer l’hétéros. Ainsi cette forme de fascisme va se développer, pour s’appuyer sur des sciences dites sciences cognitives, comportementalistes, qui va venir normaliser votre comportement, ce qui se vérifie déjà, par l’essor des différents DSM, la folie dans laquelle on entre.. Celui-ci joue un peu trop au jeu, celui-là boit trop de café, etc..alors qu’une molécule et quelques séances comportementalistes pourraient venir tout régler ! Il ajoute : « Il s’agit d’une extérmination camouflée ». C’est ainsi qu’il termine.
Alors pour ne pas rester sur cette note mélancolique qui va avec le discours du capitaliste, dans lequel on trouve le rapport sujet——objet, ce qui n’existe pas dans les autres discours, où il n’y a jamais de rapport sujet-objet. Par contre le sujet objet est toujours écarté par les autres lettres, nous pouvons penser qu’ainsi, sujet-objet, vont finir par se collaber et imploser. C’est ce qui arrive dans nos grandes entreprises qui ont franchi le tournant gestionnaire prônant la qualité totale, sous le contrôle d’évaluations tous azimuts,. Un nombre conséquent de suicides sont perpétrés jusque sur le lieu de travail ce qui témoigne d’une dégradation en profondeur de l’ensemble du tissu humain et social du travail. Une nouvelle idéologie de la performance s’insinue depuis des années, issue du discours du capitaliste prenant le pas sur tous les autres discours. Il tend même à les effacer en les mettant sous sa domination.C’est pourquoi nous pouvons parler de catastrophe non seulement pour la psychiatrie mais aussi pour tout le social où le lien humain se délite.
Comme nous le fait découvrir sur internet, un feuilleton d’une série américaine « house of cards », qui traite ses retraites à la baisse, le discours qui sous tend cette idéologie correspond à ce qui nous arrive aujourd’hui, ce que nous entendons en France, où la mondialisation va unifier ses projets économiques dans un souci de rentabilité absolue, mettant l’humain hors jeu, réduit à un pur objet de consommation qui finira par se consumer. Le profit est devenu l’étalon du désir capitaliste dans son injonction à jouir vite et bien de ses objets qui fait de nous des consommateurs soumis, voire addicts aux flux des marchés.
La manière d’en sortir serait d’appliquer le discours analytique où le sujet deviendrait primordial, or, tout est fait pour que la psychanalyse disparaisse actuellement. Les nombreuses psychothérapies de tous poils prennent le dessus, bientôt les nouvelles règlementations viendront poser leurs interdits, ou nous disparaîtrons de fait..
Lacan termine sur cette histoire du discours du capitaliste, en dénonçant la fraternité liée au communautarisme qui entraîne la férocité, la haine, le racisme avec le retour du religieux , un religieux particulier, qui revêt la figure d’un grand Autre absolu.
Lacan disait : « Quand on reçoit un patient, est-ce qu’on est frère ? Mais bien sûr qu’on est frère ! Ne serait-ce que parce que nous remuons tout le fatras de la famille, mais on est frère parce qu’on est frère, fils, on est tous fils d’un discours. »
Françoise Fabre,
psychiatre, psychanalyste (6)
1- Congrès international « Psychanalyse et Education : la place du sujet dans l’éducation aujourd’hui. »
2- les extraits de la manifestation vue sur Youtube
3 – Les quatre discours + Un, exposé présenté par Radjou Soundaramourty au séminaire d’Analyse Freudienne, en 2014.
4- voir site www.chantalcazzadori.com, article sur L’effacement du Sujet issu d’un discours capitaliste contemporain, janvier 2015
5- le site de Patrick Valas, www.valas.fr/
6- Françoise Fabre a élaboré son discours à partir de ses notes, ce qui l’a rendu spontané et vivant. Pour la lecture de ces propos, Chantal Cazzadori a repris l’essentiel de sa pensée à partir
de l’enregistrement pour en réécrire ce texte validé par F. Fabre.
Ainsi le voilà parti !
On devait bien s’y attendre, cela allait arriver un jour ou l’autre, avec les quelques alertes au cours des dernières années. Il s’est éteint la nuit dernière à la Borde.
Nous laissant dans la tristesse de la perte.
Jean Oury, ce grand Monsieur aura marqué la psychiatrie française depuis plus de 60 ans, et nous laisse une oeuvre immense et un modèle de praticien, de penseur infatigable.
Lui qui se présentait toujours comme psychiatre, rappelait la parole de François Tosquelles, « La psychothérapie institutionnelle n’existe pas, c’est l’analyse institutionnelle qu’il faut sans cesse mettre au travail », nous rappelant toujours l’importance DU Politique.
Dans le droit fil de l’enseignement de Tosquelles qu’il avait connu comme interne en 1947 à Saint Alban, cet asile au fin fond de la Lozère, au bord de la Limagnole, il rappelait qu’en psychiatrie, il fallait marcher sur deux jambes, la psychanalyse et le marxisme.
De Saint Alban, cet hôpital où pendant les années de l’occupation et de la résistance, François Tosquelles avait jeté les bases de la pratique institutionnelle, rejoint par Lucien Bonnafé, puis Roger Gentis, il était parti après son internat vers le Loir et Cher, à la Clinique de Saumery. Il fallait l’entendre raconter comment il en est parti, en opposition avec le directeur, emmenant les patients dont il s’occupait, pour trouver un petit château et ainsi il a fondé la Clinique de La Borde.
Ce lieu thérapeutique, que Félix Guattari a rejoint en 1955, allait devenir une référence institutionnelle pour toutes celles et ceux qui ne pouvaient concevoir l’accueil de la folie que dans un cadre humain et respectueux, un lieu où la parole et la rencontre sont l’essentiel du soin aux malades mentaux. Mais aussi où les initiatives, autour de la création sont tout autant importantes que les médicaments et la psychothérapie référencée à la psychanalyse. Un lieu où les patients sont engagés dans la vie institutionnelle et le partage des tâches. Bien sûr ce lieu, comme tout lieu institutionnel, fut objet de critiques, de débats. Il n’en reste pas moins un lieu de résistance à l’entreprise normative des soins en psychiatrie.
Jean Oury déployait son enseignement, ou plutôt devrai-je dire sa parole, son discours dans de multiples rencontres, journées, colloques, mais aussi dans le cadre de son séminaire à Sainte Anne, qu’il a tenu tous les mercredis jusqu’à tout récemment encore.
Il savait ce que l’engagement voulait dire. Il nous l’a montré. Au cours des dernières années, il avait apporté son soutien au Collectif des 39, indigné, révolté après le discours indigne de Nicolas Sarkozy en décembre 2008, qui désignait les schizophrènes comme potentiellement criminels. Il était intervenu dès le premier meeting des 39 à Montreuil en février 2009, soutenant toutes les initiatives du collectif, prenant à nouveau la parole à la tribune lors des Assises citoyennes pour la psychiatrie et le médico-social organisées en juin 2013 à Villejuif par les 39 et les C.E.M.E.A ( Centre d’Entraînement aux Méthodes d’Education Active).
Il m’a appris la simplicité de la parole, donnant le sentiment rare à son auditoire que nous pouvions être intelligent en l’écoutant ! Chose rare et essentielle. Il maniait si bien toutes les références philosophiques, psychiatriques et psychanalytiques, que c’était un vrai régal de l’écouter. Une belle et grande érudition énoncée, si tranquillement !
L’écouter donnait envie d’élargir le champ de la connaissance, pas du Savoir. LE Savoir il le laissait à d’autres qui comme la confiture aiment bien en étaler des tartines …
La transmission avec lui coulait de source, et même s’il s’emportait parfois contre les technocrates certificateurs c’était toujours avec humour et malice.
Oui il avait un côté malicieux que j’aimais beaucoup.
Sa façon de dire « avec toutes leurs conneries… » !
Et sa grande humanité : »Mais un sourire d’un schizophrène, comment vous l’évaluez ? »
Il est triste et révoltant de voir combien la gauche au pouvoir, et notamment le Ministère de la Santé n’a pas su « profiter » de cette grande figure de l’histoire de la psychiatrie française, l’écouter parler de son expérience, tenir compte de ses avis pour mettre en œuvre des réformes de l’outil de soins si délabré et dramatiquement dévoyé par une dérive des pratiques et une déshumanisation.
Si je devais garder une seule chose de ce qu’il m’a transmis, qui me revient régulièrement dans ma pratique, lors des séances, et que j’aime transmettre aux patients, c’est la découverte du poème d’Antonio Machado :
« No hay camino, hay caminar ! »
Le chemin se fait en marchant !
Il va bien sûr nous manquer, mais il nous laisse tant à lire et relire, travailler et penser, qu’il demeure avec nous.
Je suis heureux et riche de l’avoir rencontré.
Il fait partie des rencontres qui comptent dans une vie, après Bonnafé, Tosquelles, Castel et quelques autres …
La rencontre, un autre de ses mots essentiels, avec le sourire.
Paul Machto
http://www.mediapart.fr/content/un-monde-sans-fou-entretien-avec-jean-oury
Le film : « La Borde, ou le droit à la folie », d’Igor Barrère, émission de février 1977 : http://www.ina.fr/video/CPA77052152
Quelques rapides références bibliographiques :
« Un monde de fous » Patrick Coupechoux.
« A quel heure passe le train » Jean Oury – Marie Depussé.
« Il, donc ». Jean Oury – entretiens avec Pierre Babin
et bien sûr ses séminaires de Sainte Anne, entre autres « le Collectif », « Création et schizophrénie », « L’aliénation », « La décision »
Discutant : Radjou Soundaramourty
sur le thème Pour une politique du Sujet,
discussion à propos de l’intervention de Françoise Fabre :
« Vous avez écrit vos notes sur vos ordonnances ! Mais pas des ordonnances au sens des ARS, précisément. On entend par là comment un psychiatre peut parler, y compris à jeter ces mots sur ces papiers là ». Dira Radjou Soundaramourty, discutant, de la table ronde sur ce thème .
Il reprendra certaines des idées entendues lors de l’intervention de Françoise Fabre, et continuera ainsi son propos :
« Eh oui, c’est Impossible de travailler, et ça met en colère, surtout quand un certain nombre de pratiques qui existent depuis des années et semblaient avoir fait leur preuve, sont aujourd’hui complètement déconsidérées. Certains pensent que ce n’est pas comme cela qu’il faut faire, tout ce qu’ils ont fait ça ne vaudrait donc plus rien ? Alors oui, ça doit mettre en colère, voire ça indigne.
La disparition d’une certaine clinique résiste tout de même, à cette approche gestionnaire, de contrôle, d’uniformisation des pratiques managériales. Ce discours d’évaluations, de protocoles, de tout ce qui peut être procédurier, dont la finalité serait bien de demander aux cliniciens de se déresponsabiliser de leur acte.Or, nous savons que si responsabilité il y a, c’est bien celle que nous inventons tout le temps, à partir de notre acte singulier afin de soutenir aussi quelque chose de nos actes, dans le travail d’une cure. Il semble que s’il y a un appel à nous déresponsabiliser, ce serait au nom de quoi ? De protocoles qui sont écrits par des experts, qui sont déclinés dans un ordre de procédure qu’il suffirait de suivre pour que tout se déroule dans le meilleur des mondes ?
Un autre point qui me paraissait tout à fait important, peut-être qu’on pourra en débattre d’ailleurs, c’est cette espèce de servitude volontaire qui nous saisit tous. Il faut un moment pour réagir, devant cet implacable rouleau compresseur qui s’installe avec cette idéologie que l’on retrouve dans le DSM. Ces pratiques qui sont en cours avec les ARS en particulier, se veulent absolument a-historiques a-théoriques. Faut-il encore être naïf pour croire qu’il n’y a pas de théorie ! C’est en effet dangereux d’être naïf.. On nous endort là-dessus… Evidemment qu’il y a une idéologie qui soutient très clairement ces pratiques. Cette servitude volontaire montre bien qu’un certain nombre d’entre nous, dans les institutions abdiquent. Il convient donc d’alerter sur ce qui paraît si simple, car c’est souvent sous-tendu par une idéologie qu’il s’agit de décrypter, d’énoncer et de dénoncer à l’occasion.
D’autre part, il faut savoir que le discours capitaliste qui traverse tous les autres discours, les forclos complètement. Les quatre discours, qu’ils soient le discours du Maître, de l’hystérique, de l’universitaire et de l’analyste, tournent entre eux, ce qui fait qu’on peut passer d’un discours à l’autre. Dans une institution, en effet, on peut parler du côté du discours d’analyste, mais pas tout le temps. Il peut y avoir un discours du maître, de l’université, du discours hystérique parfois. Par contre, le discours du capitaliste forclos tous les autres discours, c’est-à-dire la dimension de l’impossible. Dans les quatre discours, il y a de l’impossible, ça ne tourne pas rond, ça coince, à un moment , alors que dans le discours capitaliste, les flèches font tourner rond le discours, comme si l’impossible n’existait pas. Cette prétention vient du discours de la Science qui croit avoir prise sur le réel, c’est bien l’illusion que nous donne le discours capitaliste, en écrasant cette dimension de l’impossible. C’est ainsi que fonctionne tout le discours managérial en s’appuyant sur des références scientistes, pas scientifiques ! La Science c’est autre chose.. C’est-à-dire, des références positivistes où il s’agit de formuler ce qu’il peut en être du Réel , avec cette dimension de l’impossible en des éléments tout à fait objectivables, mesurables, évaluables, que l’on serait en mesure de pouvoir saisir ainsi. Le but c’est de rabattre le Réel sur quoi ? Sur la réalité ? Non, car la réalité c’est précisément ce que l’on rencontre par le filtre de notre fantasme. Ce n’est pas de cela dont il s’agit car ça écrase aussi le fantasme.
Revenons à Oury, qui emploie des mots forts pour évoquer ce qui se passe aujourd’hui en termes de fascisme et d’extermination. Dans le fascisme, il y a une idéologie, un parti et tout un ensemble d’organisations qui visent à faire appliquer cette idéologie, au plus près des citoyens, des individus, soit des être non divisés : Un-dividu.. rien à voir avec le sujet et précisément le sujet de l’inconscient, qu’il faut rappeler,car c’est toujours du sujet de l’inconscient ,c’est-à-dire d’un sujet divisé dont il s’agit. De cette division il n’en est plus question dans cette logique du discours capitaliste ».
Radjou Soundaramourty
psychanalyste à Paris,
discutant, à l’exposé de Françoise Fabre,
au congrès international Psychanalyse et Éducation
La place du sujet dans l’éducation aujourd’hui ?
Paris les 13, 14 et 15 mars 2015.
Association Analyse Freudienne à l’initiative de ce congrès
site : analysefreudienne.net
Propos recueillis et mis en mots par Chantal Cazzadori à partir d’un enregistrement de la salle.
Intervention validée par son auteur R. Soundaramourty.
COLLECTIF 39
12.000 signataires à l’Appel « Ça suffit ! » http://www.collectifpsychiatrie.fr/?p=7446
Après le meeting du 01 novembre 2104 à la Maison de l’Arbre à Montreuil qui a réuni près de 700 personnes mobilisées dans une grande qualité d’écoute et de débats, c’est le nombre de signatures recueillies à ce jour. Dans cette période de troubles et d’évènements qui interrogent les rapports à la démocratie, de désinvestissement et d’abandon par les pouvoirs publics et de certains professionnels de ce qui fait l’essentiel dans le soin à savoir la relation, le temps et l’accueil, cette mobilisation est un bon signe, signe d’une vitalité d’oppositions qui se doivent d’être créatrices.
La situation dans les lieux de soins continue cependant de se dégrader, le découragement est toujours manifeste, les attaques au nom de la gestion de plus en plus insupportables.
Ainsi l’A.R.S. du Languedoc –Roussillon a imposé la fermeture du C.A.T.T.P. et de l’Association de suivi en appartements de l’équipe rattaché à la Clinique de Saint Martin de Vignogoul. Une psychologue de l’équipe du secteur de Corbeil, créé par Lucien Bonnafé, a vu son CDD non reconduit du jour au lendemain, sans aucune prise en compte de tous les patients en traitement ; l’équipe déjà réduite, avec des non –remplacements des nombreux départs en retraite, voit même son C.A.A.T.P. –seul lieu d’accueil de jour- menacé. Une éducatrice d’un SAMSAH à Marseille est virée sans préavis ni indemnité pour « faute grave » pour avoir alerter sur les risques pesant sur la qualité du suivi par une décision de déménagement et de cessation de suivi d’un certain nombre de patients.
Il est important, essentiel de signaler au Collectif toutes les attaques, les dérives dans les pratiques, les effets dans la continuité des soins de la stricte gestion comptable, des économies justifiant fermeture de lieux de soins, licenciements, etc.
Communiste, le Parti de Gauche et Ensemble.
La délégation a été reçue par Mme Mathilde Marnier (Conseillère pour les droits des usagers, personnes vulnérables, questions de société, santé mentale),- et qui depuis a quitté le Cabinet…, Mme Christine Gardel (Conseillère chargée des ressources humaines du système de santé), et par Mr Laurent Jacquet (Direction Gle de l’Organisation des Soins, chargé de la santé mentale).
L’objet de notre demande de rendez vous était de remettre au ministère, les 12.000 signatures de l’Appel du 1er Novembre 2014 « Ça suffit ! »
A la revendication de l’ouverture d’un grand débat national, pour l’élaboration d’une loi –cadre pour la psychiatrie, fut répondu, que «la psychiatrie était une spécialité comme les autres et qu’une loi spécifique serait une stigmatisation » ! Joli retournement et la « stigmatisation » est devenue la tarte à la crème pour éviter tout débat.
Si les interlocuteurs se défendent de poursuivre la politique de la précédente majorité, aucune prise en compte sérieuse de nos analyses n’est effective. Seule ouverture, la proposition qui nous est faite de rencontrer Mr Michel Laforcade, directeur de l’A.R.S. d’Aquitaine et chargé depuis un an d’une mission sur la santé mentale par Marisol Touraine. Un rendez vous est prévu début avril.
Le Collectif des 39 a été enfin reçu au ministère de la Santé le 3 mars dernier. Comme cela avait été décidé lors du Meeting du 1er novembre, se sont associés à cette démarche, le Fil Conducteur, collectif de parents et de proches, HumaPsy, associations de patients, La CGT santé, le Parti
Dans ce contexte nous avons décidé la tenue le 17 avril à 11 heures d’une conférence de presse du Collectif des 39 afin de signaler les situations difficiles rencontrées par les équipes par leurs témoignages, faire savoir les responsabilités de la casse du secteur en marche et rappeler nos positions éthiques et politiques.
Des nouvelles des groupes :
– Le fil Conducteur s’est réuni le 14 févrierhttp://www.collectifpsychiatrie.fr/?p=7718
– Le groupe Enfance s’est réuni le 14/03 http://www.collectifpsychiatrie.fr/?p=7684
– Le Collectif Alternatif Formation s’est réuni le 31/01
Dates à retenir :
– 29 ème journée de la FIAC le 11/04 à Blois
http://associationculturelledelaborde.org/wp-content/uploads/2014/11/Journée-Psy-2015.pdf
-Association ISADORA les 22 et 23 mai « Et si nous racontions nos mythes»?
> 14èmes journées de Printemps: « Et si nous racontions nos mythes ? »
Centre Psychothérapique St Martin de Vignogoul – 34570 PIGNAN
Tel : 04 67 07 86 86
– Nîmes les 2 et 3 Avril 2015 – LA PRATIQUE DE LA PSYCHOLOGIE EN INSTITUTION ET EN PRIVÉ ET LA QUESTION DU POLITIQUE.
-Tunisie : les huitièmes rencontres de l’ALFAPSY les 1,2 et 3 mai à Tunis www.northafricanpsychiatry.com/francopsies
Quelques textes pour alimenter nos réflexions et échanges :
– Intervention de Patrick Chemla aux journées de l’AFREPSHA à Gap
« Le collectif à venir » http://www.collectifpsychiatrie.fr/?p=7706
– Dire l’indicible de P. Sadoun
http://blogs.mediapart.fr/blog/patrick-sadoun/160315/dire-lindicible