Aller au contenu

Espace et psychose. Par Guy Dana

Finalités

J’ai essayé par une construction à étapes de subvertir l’organisation sectorielle telle qu’elle avait été initiée dans les textes fondateurs ; ceux-ci, au moment où s’ouvraient les asiles dans les années 1960, voulaient assurer une continuité des soins et rapprocher les consultations du domicile des patients. Toutefois ce discours fonctionnel, pour louable qu’il soit, ne permet pas d’exploiter le potentiel de cet outil appelé secteur qui se présente d’abord comme un espace.

En effet, poser des préalables pour une thérapeutique sectorielle des psychoses passe par un rappel, qui pourtant est d’évidence, que le secteur matérialise un espace, il en est la métonymie ; mais l’espace est aussi, c’est le point vif de l’argumentation qui va suivre, un acteur de la vie psychique, un acteur d’autant plus expressif qu’il est relié au langage ; jusqu’à ses avatars, devrait-on souligner, parmi lesquels une forme de saturation de l’espace propre aux psychoses doit être relevée ! En effet, dans ce contexte clinique, nous rencontrons ce qui a pris nom de troubles du cours de la pensée et, tandis que l’objet tarde à se constituer, se révèle une tendance à coller aux mots, à être en proie à des intrusions archaïques de lettres ou de sons, témoignages d’une jouissance privée diversement ressentie jusqu’aux commandements persécutants de la jouissance de l’Autre.
Il faut être patient et pugnace pour affronter les psychoses et veiller à ce que le dire des patients, comme le disait Freud, ne se perde pas dans une bouillie originaire. Cette phrase emblématique de la position de Freud sur le travail analytique commence ainsi : « Ce qui m’intéresse, c’est la séparation (Sheidung) et l’organisation (Gliederung) de qui autrement se perdrait dans une bouillie originaire. »
Voilà une des solutions possibles :
Pour se constituer en aiguillon d’une politique, le projet de lier l’espace géographique, matériel, à l’espace psychique nécessite dans premier temps de baliser l’espace par différents lieux institutionnels, puis de les articuler de telle sorte qu’à partir de la pluralité, une praxis s’en dégage. L’idée générique étant que l’articulation des lieux révèle et contient dans le même temps l’espace ; comme dans le langage courant, mais matérialisé par les lieux.
C’est une matrice qui est nécessaire aux psychoses.
Le cadre, ainsi constitué, et les parcours qui s’effectuent d’un lieu à l’autre auront des effets au-delà ou en deçà du travail qui s’accomplit dans chaque lieu concerné. N’oublions pas que notre travail concerne des périodes longues, dix, quinze ans ou plus, et des fréquentations maintes et maintes fois réitérées. Avec les psychoses, le travail implicite du cadre langagier ainsi construit aura donc autant d’importance que la relation transférentielle qui se noue. Encore faut-il que cette relation puisse se construire, ce qui n’est pas acquis d’emblée, et c’est ce à quoi contribue aussi l’ensemble institutionnel. Enfin, un dernier préalable doit être débattu : en effet, pour que nous puissions parler d’une cure sectorielle au sens analytique du terme, il faut que celle-ci soit ressentie comme une expérience. Freud et Lacan n’ont cessé d’utiliser ce terme en insistant sur l’expérience analytique ! C’est pourquoi c’est la traversée elle-même et la traduction à laquelle elle donne lieu qui fondent cette expérience.
Auparavant, je décrirai l’armature langagière sur laquelle s’appuie cette expérience, de même que la facilitation qu’apporte une certaine conception du secteur avec la notion de structure d’horizon.

Comment comprendre et théoriser l’organisation langagière ?

Il y a plusieurs façons de l’aborder :

1/ En premier lieu on peut se reporter à l’idée saussurienne d’une opposition distinctive entre les lieux et, ce faisant, on met en valeur le différentiel entre les lieux, leur conflictualité. Cette mise en éveil du différentiel ou de la conflictualité entre les lieux, a pour projet de soutenir non pas le sujet mais du sujet.
Il faut revenir aux conceptions de Piera Aulagnier pour comprendre en quoi la conflictualité de fait qui se joue entre les structures tente de protéger une fonction/sujet mise à mal avec les psychoses. Pour Piera Aulagnier, les psychoses mais aussi les névroses veulent effacer toute conflictualité, et le sujet sombre, pour des raisons certes différentes, dans un état a-conflictuel. Le cadre que nous avons construit veut lutter contre cette inertie, cette stratégie a-conflictuelle en faisant valoir une fonction/sujet mise ou remise en éveil par le différentiel entre les structures institutionnelles. La maison thérapeutique, le centre de crise, l’unité clinique, les différents placements familiaux, le cattp, l’hôpital général, la liste est longue et non exhaustive, mais le langage institutionnel très hétérogène tel qu’il se traverse est assurément un antidote possible à la pente a-conflictuelle des psychoses ; nous pourrions parler d’une grammaire qui cherche, par le différentiel entre les lieux, à traiter l’holophrase qui représente de façon paradigmatique les troubles du langage de la psychose. Entre les lieux, s’introduisent l’écart, l’espace/temps et l’après-coup. Il s’agit de lever ou de tenter de lever la coagulation et les troubles du cours de la pensée propres aux psychoses et de favoriser l’énonciation d’un lieu à l’autre. Tout parcours est une mise en tension d’un effet/sujet à partir de la chaîne signifiante constituée par les lieux, car dans chaque lieu, il est attendu un événement, un éveil du sujet ; mais il faut souligner aussi la possibilité pour chacun de ces lieux institutionnels de faire vivre une fonction tierce par rapport aux autres. C’est particulièrement le cas de la maison thérapeutique. Tout parcours veut sortir d’un système binaire et fera jouer la fonction inter-, entre. C’est de cette sommation d’effets qu’un réveil de la fonction/sujet encore atone ou qui ne tient pas avec les psychoses est attendu.

2/ Mais les fondements langagiers du secteur ainsi conçu et théorisé permettent aussi de lester la jouissance, offrent des points de capiton et une réponse à la dérégulation de la jouissance telle qu’elle se constate avec les psychoses avec, en particulier, l’intrusion quasi constante des soubassements du langage ; ce qui se cherche avec la pluralité des lieux est de parvenir à une langue de l’adresse, une langue moins dominée par la jouissance privée du langage mais une langue plus socialisée. Ainsi la matrice langagière a-t-elle des effets implicites, actifs par les parcours eux-mêmes. Précisons aussi qu’avec les psychoses, il faut avoir en tête cette formule de Lacan (reprise d’un constat de Freud) : ce qui est forclos dans le symbolique resurgit dans le réel ; or c’est le cadre qui permet de contenir les manifestations du réel ou de la jouissance et celle-ci se trouve en grande partie domptée et réorientée par la fréquentation réitérée des lieux. La méthode analytique est certes subvertie avec un écart avec les modalités de la cure type, mais elle garde les fondamentaux qui sont les siens. Parole et langage sont au premier plan, de même que l’aléatoire. En effet, l’empreinte de la règle fondamentale se retrouve mais la parole, contrairement à la cure plus classique, est lestée par la matérialité des lieux et par la diversité des rencontres et des événements qui s’y produisent tôt ou tard.

3/ Un récit va nécessairement accompagner ces parcours à la faveur d’un commentaire qui peu ou prou accompagne l’odyssée qui s’écrit ou qui tente de s’écrire d’un lieu à l’autre. Il faut signaler que ce commentaire a souvent tragiquement manqué dans la toute première enfance de nos patients et cette sorte de vide induit par un entourage incapable d’en prendre la mesure, ce creux dans le commentaire des actes de l’infans a des effets catastrophiques plus tard. Par ailleurs, le récit qui se construit déplace l’imaginaire de ses fondements spéculaires vers une autre forme d’imaginaire intégrant passé et futur.

4/ La notion d’élaboration, Bewältigung, est favorisée dans ce travail de fond qui s’appuie sur la ou les scansions et sur l’après-coup. On peut évoquer l’idée d’un savoir de l’intervalle qui accompagne après coup l’expérience des lieux et des transferts car, malgré la grande prudence que requiert cette notion dans le contexte psychotique, il ne faut pas renoncer à faire naître ce savoir qui est un index spécifique de la méthode analytique.
La psychanalyse, précisons-le, ne peut pas se prescrire comme on prescrirait un examen complémentaire ou des séances de kinésithérapie ; certes, il est toujours possible de prescrire un analyste, et, à partir de la relation qui s’établit, un travail analytique peut s’engager, mais ce schéma n’est pas applicable en milieu institutionnel, a fortiori avec les psychoses avec lesquelles il faut d’abord rendre possible un transfert ; d’autre part, il ne faut pas, de mon point de vue, cantonner la psychanalyse à la relation qui s’établit avec Un, ce qui aurait des effets de clivage dommageables au collectif.
La psychanalyse doit être ambiante à l’ensemble institutionnel et non pas clivée en tant que spécialité, si bien que les praticiens ont plutôt à pratiquer une forme de marranisme. Cet aspect des choses a souvent été souligné à juste titre. Se fondant au collectif, il appartient aux équipes comme à chacun de rendre l’ensemble institutionnel praticable au sens de l’élaboration. En ce sens, on peut dire de la psychanalyse que fondamentalement, dès lors qu’elle n’est pas prescrite, elle vient à l’idée !

Lever les interdits de penser à partir de la structure d’horizon

Une des idées-forces de Freud est de considérer que la psychanalyse lève les interdits de penser ; une question se pose alors qui est déterminante s’agissant des psychoses ; en effet, soit c’est le chaos, soit c’est une psychorigidité, soit ce sont les effets de la jouissance de l’Autre qui dominent mais dans ces trois occurrences le processus de pensée est inhibé : se peut-il que l’organisation langagière du secteur puisse atteindre ce but de lever les interdits de penser ?
Il faut y revenir en interrogeant le langage qui est à l’œuvre. Quel autre type de langage, outre le renvoi à Saussure et à Lacan, est-il ici concerné ? Or la suite qui s’est construite offre une parenté de lecture inattendue avec ce que Husserl définit comme structure d’horizon. Encore faut-il puiser chez Aristote une notion voisine appartenant à la même famille d’idées, l’infini, qu’Aristote décrit ainsi : non pas ce en dehors de quoi il n’y a plus rien mais ce en dehors de quoi il y a toujours quelque chose ; autrement dit, en suivant Aristote et Husserl, la notion d’infini comme celle d’horizon font paradoxalement résonner de la frontière… et la latence. Nous retrouvons alors la pluralité de mondes qui se sont construits au fil des ans à la fois réels et langagiers, qui non seulement, je le souligne, font résonner de la frontière mais en même temps sont en synergie, s’entrecroisent, dialoguent et participent à la fois tous et chacun à un élargissement de l’entendement. « Toute articulation ou langage, fait observer le poète Michel Deguy, qui prend ensemble plusieurs termes, ne peut fonctionner que par référence première à l’expérience du plusieurs-en-un qui ouvre la dimension de la perspective », que Michel Deguy appelle profondeur.
En se comparant l’une à l’autre, les structures comparaissent ensemble sur la même scène et tandis que les parcours intègrent la dimension de l’espace/temps, c’est l’articulation qui devient la clé décisive, l’articulation, le passage, le seuil et déjà l’après-coup !

La structure d’horizon

Fondamentalement, la notion d’infini ou celle d’horizon font naître l’idée que l’occulté, que ce qui est occulté ou qui n’est pas immédiatement présent agit dans le même mouvement que le visible, le représenté.
L’occulté, le non-explicite, est en quelque sorte en latence active. Ainsi la maison thérapeutique ou encore les accueils familiaux font écho dès lors qu’une des structures de l’ensemble est sollicitée, tant et si bien que la part latente de cette expérience des lieux reste à certains égards active. Et ce raisonnement est applicable à chacune des structures institutionnelles. La concaténation langagière qui lie l’ensemble rend le dispositif opérant, y compris pour des acteurs actifs implicitement car ils sont peu ou prou reliés à la même cause, à la même scène et participent à ce travail qui, globalement, se trouve correspondre à la notion freudienne de Durcharbeit.
Je dirais que ces multiples acteurs (c’est-à-dire les différentes structures institutionnelles) conjuguent leurs effets afin qu’avec les psychoses, ça cesse de ne pas s’écrire.
Michel Collot, tout en détaillant ce qu’est la structure d’horizon, va transposer les conceptions de Husserl en les appliquant à la poésie. Là est la clé, transposer, car de multiples champs, dont le nôtre, peuvent puiser dans la structure d’horizon. Pour ce qui est de la poésie, les travaux de Collot, au cœur du langage, montrent que la structure d’horizon permet de comprendre en quoi la langue des poètes s’ouvre, se déplie, se met en extension et permet ainsi de lever des interdits de penser tout en recréant la langue.
Je prétends qu’il y a une forte parenté avec l’agencement et le jeu possible de nos structures institutionnelles toujours en latence, prêtes à entrer ou pas dans une logique créative, apportant successivement ou alternativement une autre façon de penser, prêtes à jouer par exemple le rôle de tiers, introduisant de l’écart ou simplement de la différence, et qu’elles soient optionnelles, participant ou non à la décision, nous fait sortir d’une logique de l’adéquation pour une autre logique, la logique inter-, celle de l’intervalle. Il y a donc les conditions d’une levée des interdits de penser à l’instar de ce que la poésie démontre. En effet, la gamme des possibles que la structure d’horizon permet d’éprouver entraîne sur le long terme un élargissement de l’entendement. Au demeurant, nous ne devrions pas nous étonner que poésie et travail analytique procèdent de la même filiation et nombreux sont les auteurs qui ont souligné leur parenté et par exemple Tosquelles.
Si la poésie démontre à quel point la langue peut être riche de figures, on peut penser que l’enjeu de tout travail mené sous l’égide de la structure d’horizon sera de parvenir aussi à une plus grande richesse de figures dans le discours, traduction de territoires psychiques dégelés (!) et c’est ce à quoi concourent les lieux dans la façon de les utiliser. De plus, la structure d’horizon fait aussi valoir une forme d’indétermination qui se trouve être congruente à la logique analytique car le travail qui s’effectue d’une structure à l’autre reste indéterminé dans sa progression, aléatoire. La méthode analytique qui repose sur l’extension et l’indétermination que porte en elle l’association libre, dispose, in fine, à supporter un peu mieux l’inattendu, l’événement, la contingence par la grâce ici de cette traversée à plusieurs lieux.
Finalement, comme l’avait pressenti Rilke, on ne sait pas où finit la trame verbale et où commence l’espace où nous pourrions retrouver les mêmes accents dans cette phrase terminale chez Freud : psyché est étendue, n’en sait rien
Autrement dit, la structure d’horizon dont nous adoptons les canons pour le secteur est un schème à la fois subspatial et à la fois sublinguistique qui permet par la souplesse de ses articulations de lever ou de tenter de lever les interdits de penser propres aux psychoses.
En faisant valoir que l’occulté (au-delà de l’horizon) agit de façon latente et participe à l’ensemble, on touche à la façon d’utiliser cette articulation, ce qui est déterminant pour nos structures institutionnelles qui, chacune dans leur participation, mettent en éveil l’ensemble.
J’aborde pour terminer la description d’un secteur orienté par la psychanalyse une question insistante, celle de la traduction.

Traduire

Cette dernière question est loin d’être secondaire et il faut revenir aux vertus de la pluralité pour en comprendre l’intérêt.
Car la pluralité se situe, en première analyse, au sein du langage lui-même : en effet, pour le dire comme le linguiste Humboldt, le langage se compose d’une pluralité de mondes, ce qui fait que la parole dépasse d’emblée et intrinsèquement sa fonction de communication ; cette multiplicité, cette hétérogénéité à l’intérieur du langage est précieuse, mieux, c’est un gisement théorique que nous pouvons relier à notre pratique. En effet, ces mondes présents dans toute langue, nous pouvons les matérialiser. Ils sont devenus pour le collectif avec lequel je travaille les différents lieux institutionnels qui se sont construits au fil des ans. On y parle des langues différentes à l’intérieur d’une langue commune. On y fabrique dans chaque lieu institutionnel, une langue propre ; on y performe sa guérison et celle-ci n’est pas perçue de la même façon selon le lieu où elle s’est construite. En définitive, c’est à une véritable traduction que chaque patient se confronte, traduction qu’il formule ou se formule ; il doit s’y confronter ou s’y instruire car les symptômes ne se ressentent pas de la même façon d’un lieu à l’autre ; à cet instant, le travail de Walter Benjamin sur la traduction des œuvres littéraires peut nous être vraiment précieux malgré un contexte différent ; Freud était très admiratif de ce que les écrivains pouvaient imaginer en l’absence de toute théorisation, ce qui les rapprochait à leur insu des recherches analytiques ; la traduction s’inscrit comme partie prenante du monde de la littérature mais s’apparente aussi au travail qu’ont à effectuer patients et thérapeutes : « Toute traduction, dit Walter Benjamin, consiste, en fin de compte, à exprimer le rapport le plus intime entre les langues » ; avant de commenter cette intimité, il me semble que la pluralité des mondes institutionnels qui sont les nôtres trouve, avec l’effet subséquent de traduction inhérent aux parcours, une justification supplémentaire à fonder une politique. Soulignons-le à nouveau, nous avons voulu que les lieux parlent chacun une langue (institutionnelle) différente ; au demeurant, l’emploi du mot intimité est bienvenu car c’est à chaque patient d’apprécier des éléments différentiels dans son travail d’élaboration quand, d’une structure à l’autre, il est amené à traduire ce qui s’est joué pour lui ; la traduction institutionnelle réveille la propre histoire du sujet, la sort du magma, de la bouillie originaire, conforte la diachronie, et on pourrait rajouter, en suivant Walter Benjamin, « qu’aucune traduction ne serait possible si son essence ultime était de vouloir ressembler à l’original ». Cette annotation concorde avec le travail qui s’effectue d’une structure à l’autre dont la finalité est en définitive de se séparer de l’origine, de l’empreinte première et de la répétition.
Le but à atteindre, si difficile à réaliser s’agissant des psychoses, c’est que : tout sujet est (a priori) exclu de sa propre origine, formule que Lacan utilisa dans une réponse à Marcel Ritter ; oui, mais avec l’exception du contexte psychotique où l’origine précisément peine à se clôturer ! Cet échec du refoulement originaire est un des enjeux que tente de réaliser le passage d’une structure à l’autre, car c’est à chaque séquence une refondation qui se joue de même qu’un refoulement.
Toutefois, la lecture attentive de ce texte magistral qu’est « La tâche du traducteur » comporte d’autres parentés avec l’analyse institutionnelle ; ainsi cette remarque sur les mots, leur relative usure avec le temps car, dit Benjamin : « Même les mots bien définis continuent de mûrir et ce qui du temps d’un auteur a pu être une tendance de son langage littéraire peut être épuisé par la suite » ; ce qui rappellera aussi ce que Schleiermacher avait le premier pointé. Mais en définitive, quoi de plus proche avec un travail analytique, ce qu’avait relevé le texte de Serge Leclaire sur L’empire des mots morts (où se trouvent concernées les théorisations analytiques qui reviennent comme des ritournelles !).
Cette remarque sur les mots évoque fortement, dans le contexte qui est le nôtre, les différentes époques d’un travail qui, nécessairement, s’étale sur plusieurs années et la caducité qui touche certaines positions psychiques, caducité aussi des mots qui accompagnent ces positions.

Conclusions

On aura compris que la clé principale de cette organisation sectorielle repose sur la pluralité des lieux, ce qui suppose de mon point de vue de se servir de l’outil analytique pour agir une politique.
Les parcours, pourtant fondamentalement aléatoires, dégagent chaque lieu de l’adéquation à sa mission ! Celle-ci est cependant essentielle, mais autre chose se joue qui privilégie l’intervalle, le discontinu, le différentiel et l’extension. J’ajoute que, du coup, l’espace devient un allié à condition de le théoriser comme tel car l’espace entre les mots et l’espace entre les structures se font écho !
La question que posent les psychoses est subséquente à cette théorisation de l’espace car une des caractéristiques dont nous sommes constamment témoins est cette saturation de l’espace qui enferme le sujet dans des investissements autoplastiques. Le séparable, que l’espace entre les lieux matérialise et qui est aussi inhérent à l’ensemble langagier, doit susciter, pensons-nous, un éveil car l’opposition distinctive entre les lieux renvoie à l’opposition distinctive des signifiants ; cette grammaire langagière des lieux, en favorisant un travail sur le séparable, encourage les investissements hétéroplastiques car les lieux sont comme des objets, transitionnels ou pas. L’expérience de la séparation réitérée maintes et maintes fois permet d’affronter le seuil, met en tension l’énonciation et conforte une fonction/sujet constamment fragile.
Nous pourrions évoquer dans cette pratique du secteur un espace topologique en même temps que citoyen. Cet espace favorise le lien social, voie finale commune de toute thérapeutique des psychoses. Les perspectives partielles qui, à partir de chaque lieu, critiquent la position psychique précédente, la multiplication des transferts et des événements, enfin l’érosion des certitudes que veut soutenir le dispositif conforté en ce sens par la structure d’horizon, sont au fil du temps un facteur adjuvant pour le transfert avec un. Ce dispositif cherche constamment à le préparer, à l’entretenir comme à le protéger.
À retenir une éthique de cet ensemble, la hiérarchie des valeurs tend à privilégier des critères analytiques et langagiers sur les critères institutionnels ; le point de départ est en effet analytique ; peut-on à ce titre évoquer un certain clinamen avec la psychothérapie institutionnelle, reste une question.

Résumé
À travers une pluralité de lieux institutionnels se joue une thérapeutique possible pour les psychoses dès lors qu’espace et langage sont liés ; de nouveaux concepts tels la structure d’horizon et la traduction s’ajoutent aux élaborations sur la jouissance et sur la bouillie originaire pour conforter une politique.

Mots-clés
Espace, langage, écart, structure d’horizon, traduction

Summary
Space and psychosis
Through a plurality of institutional places takes place a possible therapeutics for the psychoses since space and language are connected; new concepts such the structure of horizon and the translation are added to the elaborations on the enjoyment and on the native porridge to consolidate à policy

Key words
Space, language, gap, structure of horizon, translation.