Tout d’abord, le secteur initial est un lieu où en effet accédant davantage à un statut de malade, le fou pouvait maintenant sortir, vivre en famille, circuler dans les rues, à condition de garder un lien avec son psychiatre. Il ne faut pas oublier que ces traitements que l’on peut qualifier de masse étaient avant tout le résultat de l’avènement des neuroleptiques.
Ce traitement de masse du sujet devenu désormais « cas ».
Comme le rappelle Carlos Parada en deux ans, en 1955 jean Delay convoque un colloque sur la Chlorpromazine qui fut un succès sans précédent alors que 4millions d’américains avaient déjà eu recours à ce traitement …
Il n’en demeure pas moins que la conclusion de Jean Delay fut la suivante.
« Il convient de rappeler qu’en Psychiatrie les médicaments ne sont jamais qu’un moment du traitement d’une maladie mentale et que le traitement de fond reste la psychothérapie ».
Guy Dana fait bien autre chose du secteur qu’une fabrique de cas, donc le secteur est bien pour Guy un espace, mais un espace lié et théorisable comme une pratique de soins.
Mais il s’agit pour lui de lier l’espace géographique à l‘espace psychique pour ne pas rester dans cette bouillie originaire.
Alors Guy Dana nous livre le fondement de son projet pour les psychoses, ce qu’il appelle la ‘cure sectorielle’ au sens analytique du terme, cure qui prend en compte les différents lieux, espaces où se nouent des transferts dans la psychose comme un langage matérialisé par les lieux et la structure organisationnelle de ceux-ci.
Ma première question est alors la suivante : n’est-ce pas une proposition pour considérer que l’inconscient dans les psychoses est structuré comme un espace dont l’expérience de ses différents lieux d’expression serait son langage ?
C’est-à-dire une vision structuraliste, en d’autres termes si pour Levi Strauss les systèmes de parenté sont du même type que les phénomènes linguistiques, et pour Lacan l’inconscient structuré comme un langage ; ne postules-tu pas cher Guy, que l’inconscient du psychotique est structuré comme un espace éclaté dont la lecture n’est rendue possible qu’avec le langage institutionnel que son expérience des lieux nous invite à lire ?
D’où le projet d’un ensemble institutionnel qui le permette, en tout cas ne l’empêche pas.
Ainsi, la conflictualité des lieux comme soutien non pas au sujet mais du sujet, j’apprécie d’ailleurs la différence que tu introduis.
N’est ce pas dire, et ce sera ma deuxième question qu’il s’agit, par la pratique de ces lieux de produire du sujet ? UNE FONCTION SUJET PLUS EXACTEMENT là où la question même de son existence est problématique ?
Les différents énonciations possibles d’un lieu à l’autre sont censées produire ‘ de l‘effet sujet’.
Ton projet est donc d’un esprit très structuraliste et comme tu l’évoques à juste titre :
« La méthode analytique est certes subvertie avec un écart avec les modalités de la cure type, mais elle garde les fondamentaux qui sont les siens. Parole et langage sont au premier plan, de même que l’aléatoire. En effet, l’empreinte de la règle fondamentale se retrouve mais la parole, contrairement à la cure plus classique, est lestée par la matérialité des lieux et par la diversité des rencontres et des événements qui s’y produisent tôt ou tard. »
Il ne s’agit pourtant pas dans cette analyse d’un parcours dans la structure mais du parcours de la structure dans l’institution comme possibilité d’une rencontre symboligène ou sinthomatique .
Bien sûr cette rencontre ne se fait pas sans que l’on s’appuie sur le transfert.
Ma troisième question porte sur ce point fondamental :
Se peut-il que l’organisation langagière du secteur puisse atteindre ce but de lever les interdits de penser ?
Ta proposition est la suivante :
« Si la poésie démontre à quel point la langue peut être riche de figures, on peut penser que l’enjeu de tout travail mené sous l’égide de la structure d’horizon sera de parvenir aussi à une plus grande richesse de figures dans le discours, traduction de territoires psychiques dégelés (!) et c’est ce à quoi concourent les lieux dans la façon de les utiliser. De plus, la structure d’horizon fait aussi valoir une forme d’indétermination qui se trouve être congruente à la logique analytique car le travail qui s’effectue d’une structure à l’autre reste indéterminé dans sa progression, aléatoire. »
Je crois que c’est avec cette structure d’horizon que tu nous livres, ta proposition d’une sorte d’équivalence entre ce qui est de l’ordre du spatial et ce qui est du ressort du linguistique …D’où la nécessité de cet autre concept, Traduction de la langue propre qui se fabrique dans les différents lieux institutionnels.
Je suis sensible à cette façon dont tu poses que dans ces différents lieux se fabrique une guérison différente qu’il s’agit alors de pouvoir traduire.
J’y suis sensible par ce que justement dans notre association cette année nous en arrivons à la conclusion que pour sortir de la psychopathologie il faut laisser tomber la structure pour travailler sur les discours qui eux se révèlent également multiples chez la même personne au cours de sa cure.
Donc ma dernière question sera la suivante : avec le concept de traduction, ne tentes tu pas toi aussi du structuralisme qui est à l’origine de ta conception des lieux comme langage ?
Robert Levy
Psychanalyste à Paris
Fondateur de l’Association Analyse Freudienne.